Aperçu d'un article sur l'orpaillage à Hiré
Hiré ou le rendez-vous inespéré avec l'orpaillage
Dans cette étude,
portant sur les modes d’occupation des ressources foncières dans les
exploitations agricoles et aurifères, nous avons voulu porter une réflexion
comparative dans une perspective de développement sur les modes d’accès à la
terre dans les économies agricole et aurifère et surtout faire ressortir toutes
les dimensions socio-anthropologiques relatives à l’ampleur que prend le
phénomène d’orpaillage clandestin dans la Commune de Hiré.
Il s’agissait, plus précisément pour
nous d’identifier à travers une telle investigation, les différents modes
d’accès à la terre pratiqués dans les deux types d’économies concernées ;
également de comprendre les facteurs déterminants l’insertion des populations
dans cette activité et d’évaluer enfin l’impact de cette activité clandestine
en étroite relation avec le secteur agricole aux plans politique, économique,
social, culturel et environnemental.
Pour
atteindre de tels objectifs, nous avons opté pour une hypothèse principale et
deux hypothèses secondaires :
La première est relative aux
arrangements institutionnels pratiqués dans l’activité d’orpaillage et aux
différents rapports entre les divers acteurs de cette activité dans la Commune
de Hiré qui favorisent les modes d’occupation des terres dans les exploitations
aurifères.
Les deux
hypothèses secondaires quant à elles se focalisent sur les divers rapports
entre les acteurs des économies minière et agricole d’une part ; et
d’autre part les représentations de l’exploitation de l’or chez les acteurs locaux
qui favorisent et
entretiennent le regain de vitalité de cette activité clandestine à Hiré.
Au terme de notre étude, il ressort que l’activité d’orpaillage est
davantage pratiquée par des immigrants tant allochtones venus du Nord de la
Côte d’Ivoire qu’allogènes ressortissants du Burkina, du Mali, du Niger et de
la Guinée.
Ces
principaux acteurs sont en général des analphabètes, plus vulnérables
économiquement, dans une zone où les terres cultivables deviennent de plus en
plus rares. Les exploitations aurifères comptent davantage d’orpailleurs
occasionnels et l’ensemble des orpailleurs pratiquent, sous le regard
silencieux des autorités administratives, en complicité avec les propriétaires
terriens et les collecteurs de redevance la location des parcelles, mode
d’accès à la terre prédominant dont les modalités pécuniaires varient d’un site
à un autre.
Les
orpailleurs s’adonnent en effet à cette activité clandestine en fonction des
représentations qu’ils ont de l’orpaillage qu’ils considèrent comme synonyme de
« l’argent rapide ». Les
modes d’accès à la terre leur étant plus favorables, les orpailleurs préfèrent
s’engager dans une telle activité malgré sa clandestinité.
En plus, la rentabilité économique de cette activité
renforce davantage les attitudes des orpailleurs. Pour ces derniers,
l’agriculture offre certes de meilleurs revenus mais la quotidienneté des
revenus issus de l’extraction aurifère les captivent plus encore. Ils
projettent l’arrêt de cette activité clandestine sans pour autant évoquer des
raisons objectives ; ce qui tend donc à ne pas envisager un tel scénario
pour les prochaines années.
Soulignons également que cette activité a des répercussions
sur les plans économique, social, culturel et environnemental. D’abord, le
développement anarchique du secteur aurifère influe sur le coût de la vie à
Hiré, encore plus avec la présence de la compagnie minière industrielle LGL
Equigold CI. En effet, les prix pratiqués semblent connaître une relative
hausse. Ensuite, les communautés vivant à Hiré se reprochent au fil du temps
les impacts négatifs de l’exploitation aurifère dans la zone, et les multiples
conflits fonciers qui éclatent, sans cependant prendre autant l’ampleur d’une
violente crise foncière. Ces impacts sont entre autres les pénuries relatives
de denrées alimentaires sur le marché, l’insécurité grandissante, les tensions
sociales entre paysans et orpailleurs du fait du creusage des filons qui
outrepassent les limites requises. Enfin, il faut noter que l’orpaillage
clandestin tant à détruire le potentiel agricole et fertilisant des sols à
cause des nombreux puits et fosses non réhabilités après l’exploitation
aurifère.
Après
sept années de crise, la Côte d’Ivoire commence à renouer avec les
investisseurs extérieurs dont la compagnie minière LGL Equigold CI, qui
exploite des gisements aurifères dans la zone de Hiré. Néanmoins l’activité
clandestine à laquelle se livrent les orpailleurs pourrait freiner les actions
économiques avantageuses dont pourraient profiter les populations de cette
commune. De ce fait, cette activité mérite d’attirer davantage le regard des
décideurs pour qu’elle soit freinée et d’être encadrée en vue de faire profiter
les retombées à l’ensemble des populations et d’éviter une catastrophe
alimentaire et écologique à Hiré.
L’économie minière, désormais l’un des piliers essentiels de l’économie ivoirienne, devrait apporter une amélioration dans les conditions de vie des populations de la Commune de Hiré, et non les inscrire sur le chemin d’une simple croissance économique éphémère mais plutôt dans une perspective de développement local durable. Ce travail de recherche pourrait nous permettre d’ouvrir une perspective nationale quant aux différents modes d’accès à la terre pratiqués dans les localités, où l’économie minière clandestine subsiste encore.
Hamed LASSI
Doctorant Chercheur en socio-anthropologie du développement économique et social
Analyste des questions foncières rurales et des questions de développement participatif